Artiste peintre français, figure majeure de la nouvelle École de Paris,
et de la peinture d'avant-garde française du xxe siècle. (1904 - 2001)
Jean Bazaine est né le 21 décembre 1904 à Paris. Ses origines familiales se situent en Lorraine et dans les Cornouailles britanniques.
Il vit son enfance et son adolescence entre Paris et une maison de campagne à Forges-les-bains, dans la vallée de Chevreuse.
Le père de Jean Bazaine était dans l'aviation. Une photo le montre, enfant, tenant la main de Roland-Garros.
"Je passais raconte-t-il, mes jeudi et dimanche sur les champs d’aviation".
On peut penser que ceci constitue un des fondements de sa peinture, faite d'espace et de mouvement.
Jean Bazaine jeune et Roland-Garros sur la plage de Dinard
En classe de philosophie, il a pour professeur Gustave Rodrigues, disciple de Bergson, dont l’œuvre, en particulier L'évolution créatrice, marquera ses conceptions artistiques.Côté littérature ses auteurs favoris sont Proust, Faulkner et Joyce.
Jean Bazaine dira sur James Joyce
"C'est un monde à plusieurs sens, à plusieurs épaisseurs, chaque mot ayant des
significations multiples, chaque phrase des destinées multiples, et je voulais
que ma peinture ait elle aussi cette multiplicité de lectures possibles
en profondeur, que le fond soit la forme, la forme le fond, etc."
Très jeune il acquiert le goût de la sculpture mais se tourne rapidement vers la peinture. Après un court passage à l'École nationale des Beaux-Arts, il entre à l'académie Jullian puis chez Landowski où il poursuit quelques temps la pratique de la sculpture. Parallèlement à ces premières expériences artistiques, il prépare une licence ès lettres en Sorbonne (un certificat d'histoire de l'art et trois de philosophie), et suit l’enseignement en art ancien et médiéval d’Emile Mâle et de Focillon. Il participera sous la présidence de ce dernier au premier "Groupe d'Histoire de l'Art" de la faculté des lettres de Paris qui aboutira à la création de l’Institut d'art et d'archéologie. C'est dans ce contexte qu'il publiera en 1928 un texte déjà révélateur de ses préoccupations artistiques : "la densité dans le dessin et dans la peinture".
Dès 1924 Bazaine commence à peindre. Il travaille seul, dessinant d'après les Maîtres au Louvre
mais aussi d'après nature, exercice qui le passionnera toute sa vie. Au cours de ces voyages,
ou lors de ses séjours en Bretagne qui deviendra son point d’attache privilégié, il remplira des carnets de croquis.
Son objectif sera d'intérioriser sa vision. Beaucoup plus tard, il fera des séries de dessins d'après Delacroix, Rubens, Watteau.
Dès sa jeunesse Bazaine s'intéresse vivement au théâtre. Il se passionne pour les ballets russes
de Diaghilev, pour la Revue Nègre, et commence à imaginer des décors et costumes de théâtre.
En 1936 il réalise les décors et costumes pour Les Perses d'Eschyle, spectacle du
Groupe de Théâtre antique de la Sorbonne, qui sera la première de ses nombreuses collaborations
à des créations théâtrales.
En 1930 Bazaine entre à la galerie Jeanne Castel à Paris où il exposera jusqu'à la guerre en compagnie
de Fautrier, Goerg, Pougny, Gromaire.
En 1932 il fait sa première exposition particulière à la galerie Van Leer, à Paris.
Il y rencontre Bonnard, l'artiste qu'il admire le plus profondément.
"Je suis content de voir quelqu'un qui travaille dans ma voie, je suis si seul"
lui dit alors Bonnard qui continuera à l'encourager. Peu avant sa mort il avait épinglé
une petite reproduction en couleurs d'une toile récente de Bazaine (Promeneuse et nu au balcon, 1945,
conservée à la Kunsthalle de Hambourg).
De 1934 à 1938 il collabore à la revue Esprit. Le personnalisme de Mounier contribuera
au fait que Bazaine, en marge des groupes constitués, considérera la peinture comme un engagement culturel et social.
À partir de 1934 Bazaine peint une importante suite d'aquarelles. Dès cette époque l'aquarelle,
parfois traitée en genre mineur, s'impose comme un élément essentiel de sa production et un
fondement de sa démarche. En 1936 il découvre le petit port breton de Saint-Guénolé où il retournera presque chaque année.
Il trouve dans cet espace les thèmes d'inspiration permanents de son oeuvre :
la mer, le vent et les rochers, mêlés en un combat incessant, incarnation pour lui de la genèse perpétuelle du monde.
En 1937 il réalise son premier vitrail pour une chapelle privée : les Instruments de la Passion.
Il s’initie là à une technique qui le passionnera toute sa vie. Il en renouvelle la pratique en
ne se contentant pas de fournir aux maîtres verriers une maquette en réduction mais il exécute
les cartons et choisit chacun des verres qu'il peint à la "grisaille". C'est aussi en 1937,
à l'occasion de l'exposition L’art indépendant, Maîtres d'aujourd'hui, au Petit palais,
que Bazaine fait la connaissance de Jacques Villon auquel le liera une profonde amitié.
En 1939, il obtient les prix Blumenthal (Paysage de neige aux chanteurs, 1936) et Pour que l'Esprit vive.
Toujours en 1939, Bazaine participe à l'exposition Vitraux et tapisseries modernes au Petit Palais à Paris où d'autres peintres d'avant-garde, comme Rouault et Gromaire, non spécialisés dans l'art chrétien, sont sollicités pour créer des cartons de vitraux.
Jean Bazaine, rue Oudinot
En 1940 Bazaine est mobilisé aux avant-postes en Lorraine. Il vivra cette expérience d’une nature bouleversée et menacée,
dont témoignent quelques dessins, comme une plongée dans l’élémentaire. Il dira avoir ressenti n'être plus en face de la
nature mais "dedans". Ceci déterminera son évolution, plus involontaire que choisie, vers la non-figuration.
En 1941 Bazaine est chargé de la section "Arts plastiques" au sein du groupe "Jeune France" fondée en zone non occupée
et dirigée à Paris par Paul Flamand. Jean Vilar est chargé du théâtre, Pierre Schaeffer de la musique et Maurice Blanchot
de la section lettres. L'organisation sera dissoute par les autorités après neuf mois d'activité. Elle organise néanmoins
une exposition de peinture d’avant-garde sous le titre tout à la fois rassurant et provoquant de Jeunes peintres de
tradition française, qui marque le réveil d'une vie culturelle libre. Elle sera qualifiée d’"art dégénéré" par la
presse collaborationniste.
La même année Bazaine expose avec Pignon à la galerie Jeanne Bucher à Paris.
Parallèlement, il publie plusieurs textes dans la N.R.F. dont la teneur provoque de sévères réactions officielles,
en particulier l'article "Masques corporatifs" qui déjoue le projet d'une corporation des artistes de France et
d'un conseil de l'ordre dont les statuts visaient à placer l'art et les artistes sous tutelle. Cela lui vaut
plusieurs interrogatoires et la menace de rejoindre le front russe en cas de récidive.
Bazaine publie aussi divers articles consacrés à "la peinture d'aujourd'hui" c'est-à-dire à Matisse, Braque,
Bonnard, Villon et Léger, définissant à travers eux l'esthétique commune et les enjeux que poursuivent alors
les "recherches des jeunes peintres" (Formes et couleurs, Lausanne).
En 1942 il entre à la galerie Louis Carré où il exposera jusqu'en 1948 avec Estève, Pignon et Lapicque.
C'est à cette époque que Bazaine entame une relation suivie avec Braque et se lie d'amitié avec les poètes
et écrivains : Guillevic, Seghers, Follain, Bataille, Arland et surtout André Frénaud et Jean Tardieu avec
lesquels il engage un échange profond et ininterrompu : en témoignent plusieurs livres, avec eux et d’autres
poètes, de "dialogue" plutôt qu’illustration, entre peinture et poésie.
En 1943 il participe à l'exposition Douze peintres d’aujourd'hui à la galerie de France à Paris.
Celle-ci fera l'objet d'un article très violent publié dans le journal collaborationniste Au pilori sous
le titre "L’Art zazou, douze fumistes d'aujourd'hui".
Jean Bazaine et Jean Tardieu
En 1945 l'exposition Bazaine, Estève, Lapicque présentée à la galerie Louis Carré marque profondément
l'actualité artistique de l'après-guerre. Malheureusement l'incendie de l’atelier de Bazaine rue Oudinot
à Paris a détruit la presque totalité de son oeuvre antérieure à 1942.
Entre 1946 et 1947 Bazaine présente plusieurs expositions en Europe : à Amsterdam, Copenhague et Stockholm.
Son oeuvre recevra toujours le meilleur accueil dans les pays nordiques qui joueront un rôle majeur quant
à la diffusion et la reconnaissance internationale de sa peinture. C’est l’époque où il rencontre le peintre
et sculpteur Henri Laurens avec lequel il sera très lié.
En 1948 il publie Notes sur la peinture d'aujourd'hui, un livre longuement mûri, traduit en plusieurs langues,
qui marquera la réflexion esthétique des années cinquante et soixante.
La même année il donne une conférence à Bruxelles et à Anvers en compagnie de Fernand Léger et participe à la 24e biennale de Venise.
En 1949 il fait une première exposition particulière à la galerie Maeght où il exposera régulièrement jusqu'en 1977.
Sa fille Marie-Catherine, dans son atelier de la Rue Oudinot
Jean Bazaine et sa femme Micheline, tout à fait à gauche, avec André Frénaud et sa femme Christiane.
Dès 1960 l’oeuvre de Bazaine est présente dans les principaux musées européens mais aussi dans la plupart des grandes
collections privées internationales. Cette année-là l'Unesco lui commande une mosaïque pour décorer l'un de ses bâtiments à Paris.
En 1961 Bazaine se rend à Moscou à l'occasion de l'Exposition d'art français. Il y donne une conférence sur la
"peinture et le monde d'aujourd'hui", qui va à l’encontre des conceptions réalistes socialistes de l’art en
Union Soviétique. Le public, nombreux, lui réserve un vrai succès. Des conférences sur le même thème auront
lieu à Bucarest en 1962, et à Prague et Budapest en 1966.
Cette même année il entreprend une oeuvre monumentale pour le paquebot le France avec la collaboration de
deux mosaïstes originaires de Ravenne : L.Melano et L. Guardigli.
En 1963 il s'installe dans son atelier à Clamart où il restera tout le reste de sa vie. Il reçoit la commande
d’une mosaïque pour la Maison de la Radio à Paris. C’est aussi l’année où est présentée sa deuxième rétrospective,
d’abord à Hanovre, puis à Zurich et à Oslo.
En 1964 Jean Bazaine reçoit le Grand prix national des arts. Une de ses oeuvres est alors commandée pour le musée
d'Art moderne de Paris Entre la pierre et l’eau.
C’est l’année où il fait une série de dessins à l’encre de Chine sur le thème du Combat avec l’ange d’après
Delacroix, qui illustre le livre posthume de Lecomte du Noüy "Entre savoir et croire".
Il participe à la 32e biennale de Venise.
En 1965 a lieu une exposition rétrospective au Musée national d'art moderne à Paris. Il commence cette année-là
le programme des vitraux de l'église saint Séverin à Paris auquel il travaillera durant cinq ans.
L'été 1966 il réalise à Saint-Guénolé un ensemble exceptionnel de plus de 50 dessins à la plume et à l'encre
d'une écriture tout à fait inédite. "J'ai dessiné follement dix heures par jour pendant trois mois" dira-t-il.
Le dessin, qu'il pratique sans cesse tout au long de sa vie de peintre et dont il renouvelle puissamment
le langage, constitue un aspect essentiel de l'oeuvre de Bazaine.
Jean Bazaine à Saint-Guénolé.
Plusieurs expositions ont lieu durant les années 80. Cinq rétrospectives :
En 1982, au musée des beaux-arts de Quimper, en 1983 à Oslo, en 1984
au musée d’Unterlinden à Colmar, et en 1987 à la Fondation Maeght, à St Paul de Vence. S’ajoute en 1988-1989
une exposition rétrospective de dessins au musée Matisse du Cateau-Cambrésis.
Parallèlement, des oeuvres récentes sont exposées en 1983 à Halmstad en Suède, en 1984 à la galerie Adrien Maeght,
et en 1985 dans cette même galerie la série de grandes toiles Chants de l'aube.
Jean Bazaine, dans son atelier en 2001.
Timbre représentant Plongée, 1984.
Jean Bazaine par Doisneau, dans son atelier de Clamart.
Jean Bazaine.
l'atelier de Jean Bazaine, juste après son décès en 2001.